La skieuse et Facebook sont dans une cour d'école...
Et pourtant parfois, la tentation est forte.
Le suicide de JP Treiber arrivant a point nommé quelques semaines avant son procès par exemple. Surtout quand on sait qu'au cours de sa cavale il ne cessait de dire qu'il y serait présent pour faire « éclater la vérité » (combien de fois qu'elle s'est fait éclater la tronche celle là, surement pour ça qu'elle n'est plus reconnaissable...)
De centaines de petites infos vadrouillant a tort et a travers sur les sentiers de l'internet. Souvent inintéressante, parfois sublime. Et malheureusement parfois aussi tout juste merdique.
En ce moment on parle beaucoup de Marion Rolland, cette malheureuse skieuse qui a chuté a dix mètres de la ligne de départ et qui s'est fait sauté le genou par la même occasion.
J'avais vaguement entendu parler de cette histoire mais c'est ce matin que j'ai vu l'engouement autour de cette chute.
En effet, Marion Rolland est devenue en quelques jours la nouvelle malheureuse star du web.
Tout d'abord en nombre de visionnage de vidéo. J'imagine facilement les types regroupés devant leur écran et se repassant pour la dixième fois la chute de la skieuse. Et bien sur se serrant les côtes rougeauds devant cette AHAHAHAHA bonne blague. Et quand passe un collègue « attends, t'as pas vu ?! Regarde, c'est trop drôle !!! » Et hop, rebelote.
Et puis surtout sur Facebook.... Ah, ce magnifique outil de réseau social enfanté du web 2.0.
Pour moi, j'y ai toujours vu une version numérique de la cour d'école. Avec ses groupes allant discuter dans leur coin, plein du pompeux orgueil de se regarder la bite. Avec son réseau de connaissance, apprentissage puéril du non moins puéril « name-dropping » des soirées d'adultes. Avec ce plaisir stupide d'appartenir a un groupe qui ne peux exister que si un autre est exclu de ce même groupe. Bref, le sentiment malsain d'appartenir a une élite auto déclarée pour les plus atteints, l'illusion réconfortante d'avoir plein d'amis et de part la même d'exister pour les autres.
Comment ca j'abuse ?! Le plus bel outil qui soit ne sera jamais réduit a autre chose qu'a une utilisation triviale. Quand on laisse n'importe qui s'exprimer on en arrive fatalement a entendre n'importe quoi. Toujours.
J'en veux pour preuve le nombre de « groupes » qui existent autour de cette malheureuse chute et qui constituent l'essence même de cet article: « Pour que Marion Rolland passe sa première étoile de ski avant 2014 », « Je n'ai pas vu Marion Rolland aux JO, j'ai cligné des yeux a ce moment là » j'en passe et des encore plus désopilants. AHAHAHA.Montrer son trou du cul numérique est devenu un réflexe de notre époque, montrer que l'on en ai un en est le corolaire.
Inutile de se battre contre les moulins a vents, les chutes sont toujours ce qui fait le plus rire les gens. Si cela peut s'accompagner d'une honte monstrueuse, c'est bien sur encore mieux. C'est malheureux qu'on l'on soit devenus si peu fière de nous.
Maintenant, on est quand même en droit de s'interroger sur les conséquences de ce genre de groupe. Au delà de la douleur morale que cela entraine pour cette nana, on s'aperçoit qu'on vit dans un monde formaté pour la grande boite a LOL. Je ne suis meilleur que personne. Les vidéos de chute sont toujours aussi drôles. Mais les moqueries qui en découlent et qui comme par hasard trouvent comme asile politique la grande cour de récré de Facebook me font toujours un peu froid dans le dos.
Parce que après tout il faut bien avoir conscience que, qu'elle soit numérique ou pas, une lapidation reste une lapidation. Et que même entourée d'humour, une pierre reste une pierre. Si les sentiments pouvaient saigner, il y aurait du sang sur certains sites.
L'humour est une arme incroyablement destructrice, je suis bien placé pour le savoir. Il s'attaque a l'estime de soi, a sa dignité. Et malheur au supplicié qui n'aura pas le courage de rire avec ses bourreaux, de se moquer de lui-même. Malheur a celui qui aura l'outrecuidance de tenter de sauvegarder un peu de sa dignité devant une foule rigolarde. Face a la longueur du supplice qui l'attend, Tantale n'est qu'un pédé.
L'humour est une arme redoutable. Ceux qui en ont devraient apprendre a le manier avec humanité. Chercher a faire rire a n'importe quel prix peux être destructeur. Comme disait l'oncle Ben: « de grands pouvoir impliquent de grandes responsabilités. » Et faire rire est VRAIMENT un super-pouvoir.J'espère de tout cœur ne jamais tomber devant les caméras. Avant, je pensais a la terreur froide que l'on devait éprouver en se retrouvant a l'instar d'un K. confronté a une machinerie judiciaire qui vous broyait inexorablement, malgré vos dénégations. Aujourd'hui je me dis que la grande vindicte populaire ne se terre plus dans la justice et ses boucs émissaires mais dans l'irrationalité d'un groupe Facebook que les gens suivent comme des moutons. Sans jamais s'attarder sur la conséquence de leur acte. Sans jamais s'interroger sur la douleur occasionnée..
Une des pires lâchetés c'est d'être courageux face a un écran.
Et puisque je parle d'humour rigolo, je ne peux m'empêcher de repenser a ce zapping passant l'autre jour sur Direct 8. C'était génial, a un moment y'avait un extrait de Stéphane Bern qui parlait du baise-main.
Bern: « Tout dépend de comment la dame met sa main. Si c'est comme cela, ca signifie qu'elle veux qu'on la baise. »
Qu'est ce qu'on a rigoler ! Il avait dit « elle veux qu'on la baise » a la télé !!! Y'a eu aussi un autre moment super drôle ou une nana parler de « faire une pipe » dans un reportage sur la pipe et aussi un type dans un refuge d'animaux qui « caressait des chattes »...
Après ca, bien sur, écrire une BD comique apparaît beaucoup moins important. Et on se dit qu'avoir plus de 3 neurones est parfois un handicap.
Heureusement que je me suis lancé un défi. Voire si moi j'étais capable de faire rire sans utiliser les mots: chatte, bite, couille, baisé et sucé.Ca marche doucement. Sur un forum pour les 18-25 ans, un type disait a propos de World Of Nolife: « Je trouve ca d'un niais ! ». C'est vrai que sans gros mots c'est plus dur...
Navré d'avoir été aussi long. Pour me faire pardonner, voici une compil des meilleurs morceaux de Jean-Luc Fonck, alias STTELLLA. Attention y'a du lourd...